Laisse-moi, te raconter son histoire

On raconte, dans les collines discrètes du Gers, qu’un homme naquit un matin d’orage pour défier son siècle. C’était en 1631, à Saint-Soulan, un hameau que les cartes ignoraient encore, mais où les vents semblaient connaître d’avance le destin des hommes. Cet enfant, fils de vignerons, reçut le nom de Victor Lozes, sans que personne ne devine encore que ce prénom, choisi pour porter la force, deviendrait un jour un étendard.

Victor grandit parmi les ceps et les pierres chauffées de soleil, mais ce ne furent ni la terre ni la vigne qui forgèrent son âme. Très tôt, on remarqua chez lui une manière singulière de se mouvoir : souple, précise, comme si chaque geste était guidé par une musique que lui seul entendait. Lorsqu’un maître d’armes itinérant traversa Saint-Soulan, le garçon n’avait que treize ans, mais il maniait déjà le bâton avec la grâce d’un danseur et la détermination d’un soldat.
Le maître, stupéfait, demanda à l’emporter avec lui. La famille hésita, puis céda — car nul ne peut retenir un fleuve prêt à devenir torrent.

Ainsi commença la légende.

Durant des décennies, Victor Lozes parcourut la France, offrant son bras aux rois, aux capitaines, parfois même aux causes que l’Histoire préfère taire. Son épée, fine comme un rayon d’aube et rapide comme la colère, gagnait batailles et duels avec la même clarté tranquille. On disait qu’aucun fer ne pouvait l’atteindre, et que sa voix, lorsqu’il ordonnait la charge, avait le don étrange d’apaiser ceux qui l’écoutaient.
De maître d’armes, il devint stratège ; de stratège, conseiller ; et dans l’ombre des palais, son nom se murmurait avec respect… et prudence.

Pourtant, ce ne fut qu’en 1656, sous le règne d’un royaume encore en reconstruction après trop de guerres, que la couronne, reconnaissant ses exploits et son rôle dans des campagnes restées secrètes, lui accorda ce qu’il n’avait jamais réclamé : la noblesse.
Il devint alors Victor Lozes de Saint-Soulan, premier du nom, anobli pour une vie entière de service, d’honneur et de fidélité indéfectible.

Aujourd’hui encore, à Saint-Soulan, lorsque la brume descend sur les vallons, certains jurent voir la silhouette élancée d’un homme portant cape et épée, marchant d’un pas calme vers les siècles qui l’attendent. Car les légendes, dit-on, ne meurent pas. Elles patientent.